Ouvert sous sa forme actuelle depuis le 23 octobre 1996, le Cinéma des Cinéastes est à ma connaissance le seul cinéma de Paris qui ait changé d'arrondissement suite à des travaux et un changement de nom.

Vous voilà perplexe? L'explication n'est pas très compliquée, il faut juste un peu d'attention pour ceux qui ne connaissent pas l'histoire.

Voici, très résumée, l'histoire récente mouvementée des cinémas de la Place Clichy:

Jusque dans les années soixante, la Place Clichy, qui est à cheval sur quatre arrondissements, est l'un des principaux pôles de l'exploitation cinématographique parisienne. Cela grâce à deux mastodontes: le premier était le gigantesque Gaumont Palace, de la perte duquel on ne se console toujours pas (un cinéma réellement immense, construit dans un ancien hippodrome, offrant cinq mille fauteuils et un écran qui mesura jusqu'à trente mètres de base); l'autre mastodonte, apparaissant alors très modeste, c'était le Pathé Wepler (1660 places "seulement", avec toutefois deux balcons); tout près, avenue de Clichy, on trouve deux salles uniques qui se font face, chacune située dans un arrondissement différent: le Pathé Select (18è arrondissement, 1000 places) et les Mirages (17ème, 800 places); on trouve aussi les Images (800 places), le Méry (350 places), et de nombreux autres. En 1972, le Gaumont Palace ferme pour être rasé, puis remplacé par un complexe hôtelier-commercial particulièrement laid planté dans le quartier tel une verrue immonde. Les grandes salles du Wepler et du Select ont elles déjà été divisées en deux pour le Wepler (sa petite salle, correspondant à l'ancien orchestre, s'appellera pendant plusieurs années la Caravelle, sans doute en hommage au Concorde né sur les Champs de la division du Marignan). La salle des Mirages reste inchangée, mais bientôt, deux petites salles seront ajoutées, le nouveau complexe s'intégrant alors au Pathé Clichy, en tant que salles 4, 5, et 6. Comme il était impossible de lister un cinéma à cheval sur deux arrondissements, le Pathé Clichy fut officiellement ancré dans le 18ème arrondissement. A la fin des années 70, le quartier compte toujours ses cinémas Pathé, ainsi qu'une multitude de pornos: salles de taille moyenne, comme celle du Méry tombé bien bas, ou minuscules, comme le Mexico, dont les trois salles ont des capacités allant de 40 à 55 places (devenu aujourd'hui le McDonald's du quartier, toujours étriqué d'ailleurs!) En 1994, tandis que les Wepler, Clichy 1-2-3 et Images sont en travaux pour la constructions du futur multiplexe, c'est le Clichy 4-5-6 qui est chargé d'assurer la totalité de l'exploitation des films d'exclusivité sur le quartier (inutile de préciser que la rotation des films est extrêmement rapide!) Le Mery est devenu le dernier porno du quartier, tous les autres ayant fermé. Le 23 novembre 1994, après un an de travaux, le nouveau Wepler ouvre au public. Le Pathé 4-5-6 ferme immédiatement pour subir à son tour de très lourds travaux. En 1996, quand le Cinéma des Cinéastes, ex-Pathé Clichy 4-5-6, ex-Mirages, reprit son indépendance, il retrouva alors son 17ème arrondissement d'origine. Ouf! (Quelques mots pour ceux qui veulent également connaître la suite de la longue et complexe aventure du Wepler: un unique multiplexe de douze salles fut créé, à savoir cinq salles dans l'ancien Wepler, rattachées par un couloir à deux autres salles situées dans les Images, qui furent un temps un complexe de quatre salles; l'autre partie du multiplexe a sa propre entrée, à savoir l'entrée de l'ancien Clichy, et compte maintenant cinq salles). Cette même anné, le Méry, lui, a fermé ses portes dans la plus grande discrétion; il est toujours à l'abandon, aucun projet de reprise n'ayant abouti à ce jour; on a pu voir la salle, dans un état pitoyable, dans le film "La chatte à deux têtes".

Le Cinéma des Cinéastes était un très ancien music-hall, qui vit passer de nombreuses vedettes, et reconverti, comme beaucoup d'autres, en cinéma. Le Pathé Clichy, du temps de ses trois salles, n'avait rien de remarquable. A l'étage, la grande salle (Clichy 4), plutôt confortable, possédait environ 500 fauteuils, et un écran de huit mètres, trop petit pour la salle (la salle 1 du Clichy, avec également 500 fauteuils mais disposés en gradins, et un écran de neuf mètres, était nettement plus agréable; au rez-de-chaussée, les deux petites salles étaient de type traditionnel "couloir 2/3 1/3"; comprenez que les deux salles étaient disposées en longeurs , l'une des deux étant un peu plus larges que l'autres, avec des capacités approximatives de 200 et 120 places, et des écrans trop justes de six et cinq mètres de base.

Après avoir passé sa dernière année en tant qu'unique cinéma Pathé de la Place de Clichy comme mentionné plus haut, le cinéma fut repris par l'ARP (l'Association des Auteurs, Réalisateurs, Producteurs), qui au départ recherchaient une salle de projection (et qui n'aurait donc pas fait de projections publiques). A son tour, le complexe eut droit à d'énormes travaux de réaménagement: le lieu fut totalement creusé. Quand on supprima le faux plafond de l'ancienne grande salle, on retrouva les structures Eiffel du bâtiment; comme dans la salle 1 de l'UGC Gobelins, il fut décidé de les laisser apparentes; on peut d'ailleurs voir dès l'entrée dans le hall du cinéma, au dessus de nos têtes, le passage des cables qui tendent ces arceaux.

Au fond du hall, le mur correspond aux écrans des nouvelles salles. Le spectateur prend à droite, pour trouver un passage orné d'expositions (photos ci-dessus), tout en longeant les salles; quand on arrive à l'extrémité du bâtiment, on remarque un aspect "entrepôt": l'oeil observateur peut remarquer les traces de l'ancien music-hall sur les murs (loges et autres).

Là, on peut prendre directement à gauche vers les salles 2 et 3, ou monter un escalier vers la salle 1.

La salle 1 est la grande salle du complexe. Elle se trouve à l'emplacement de l'ancienne grande salle, mais son volume est nettement plus haut, ce qui permet un gradinage et un bel écran. La salle, baptisée "Etiennes-Jules Marey", offre 315 fauteuils (un peu fermes, mais ils maintiennent bien), un écran plat de douze mètres de base, et une architecture remarquable (n'oubliez pas d'examiner attentivement le plafond à la recherche d'innombrables détails). L'équipement technique est très complet: 70mm, son numérique Dolby Digital et DTS (le cinéma est parfois utilisé pour des premières ou des projections spéciales).

Les deux petites salles ont des volumes plus classiques et assez similaires: elles sont toutes deux disposées en gradins, avec 93 fauteuils et un écran de 6m50 pour la 2 (à droite), et 71 fauteuils et un écran de près de 6 mètres pour la 3 (à gauche). Les deux écrans sont de type 1.85 (pour permettre une belle taille d'image quand le film n'est pas en format scope). Les deux salles ont elles aussi un bon équipement technique: son numérique Dolby Digital et DTS (à quand un tel équipement dans tous les grands complexes?... Dommage aussi que le cinéma ne communique pas sur cet équipement). Les deux salles présentent des parures différentes:

A l'avant de la salle 2 (ci-dessous), une lumière de néons bleus traverse la salle en rejoignant les deux côtés par le plafond (ce qui la rend extrêmement difficile à photographier, soi-dit en passant...)

La salle 3 (ci-dessous), elle, nous accueille avec des décorations murales qui paraissent tracées à la craie; la projection est particulièrement agréable pour une salle de cette capacité.

A gauche, la cabine de la salle 1; à droite, la cabine des salles 2 et 3.

A noter que le Cinéma des Cinéastes a fait parler de lui lors de la mise en place des cartes illimitées, en acceptant indifféremment (et avant d'obtenir un accord avec les circuits) les cartes d'UGC et de Gaumont. Coup de pub ou provocation? Dans les deux cas, ce cinéma a fait parler de lui. Pour le public des cartes illimitées, ce n'était pourtant pas si facile: en l'absence de gestion informatique des cartes, il fallait présenter à la caisse un relevé banquaire attestant que l'abonnement courait toujours... Ces cartes ne sont maintenant plus acceptées.

A son ouverture, le nouveau Wepler avait timidement tenté (avec succès d'ailleurs) d'introduire la version originale dans le quartier (tous les grands quartiers de cinéma avaient alors pris l'habitude de projeter au moins une partie des films en VO). Le Cinéma des Cinéastes lui a donc emboîté le pas: on y programme des films art-et-essai, français ou étrangers, pas toujours faciles, qui le plus souvent ne bénéficient que de quelques salles; le pari n'était pourtant pas gagné d'avance, dans un quartier qui ne présentait que du cinéma populaire et du porno. Le Cinéma des Cinéastes s'adresse à toutes les générations de cinéphiles: les mercredi, samedi et dimanche midi et début d'après-midi, les enfants sont à l'honneur avec des séances spéciales.

Remerciements: L'ARP et le personnel du Cinéma des Cinéastes

Le Cinéma des Cinéastes - 7, avenue de Clichy - 75017 Paris