Article de Télérama Sortir N° 2816 du 31 déc. 2003. En WYSIAWYG...
Cinéma
Michel Durand, projectionniste à la Cinémathèque
Michel Durand et l'un de ses DP-70 - Photo Damien GRENON pour Télérama - DR
D'inestimables bobines sont passées entre ses mains ; d'illustres cinéastes lui ont tapé dans le dos. Sa vie est un rêve de cinéphile. Derrière la fenêtre de sa cabine de projection, il a vu des milliers de films... tronqués, à son grand regret, d'une minute à chaque changement de bobine. Car, contrairement aux "presse-boutons" des multiplexes qui courent de salle en salle pour lancer les séances à la chaîne, lui, charge tes bobines l'une après l'autre pour éviter d'endommager la pellicule en coupant les amorce et assiste à la projection pour surveiller son bon déroulement. Un vrai travail d'artisan qu'il effectue sous nos yeux avec une dextérité impressionnante.
Entré à la Cinémathèque en 1978, Michel Durand, "60 ans depuis une semaine" parlerait de son métier pendant des heures. L'écouter raconter anecdote sur anecdote est un bonheur. Comment il a montré Lola Montés à l'envers, trompé par tes innombrables flash-back, comment il risque sa peau chaque fois qu'il projette des films au nitrate de cellulose [matiére hautement inflammable], "comme dans Cinéma Paradiso". Comment Eastwood est devenu son pote, au grand dam du directeur de l'époque. Comment son livre d'or, bourré de compliments des plus grands réalisateurs [Alain Resnais, Otar losseliani, David Cronenberg, Marco Ferreri. Asia Argento: "A Michel, grazie infinite what a wonderful night..."] lui sauva sa place.
Le souvenir le plus croustillant remonte au temps où la Cinémathèque possédait une salle au dernier étage de Beaubourg. Lors d'une séance de cinéma expérimental, le réalisateur d'un flou artistique d'environ une heure vient le voir avant la projection pour le prévenir qu'il avait prévu, au début du film une seconde d'image nette pour faire la mise au point Mais même le plus expert des projectionnistes ne peut régler le point si vite. Le film avait à peine commencé que l'Artiste déboula en trombe dans la cabine en hurlant: "Monsieur, c'est un scandale, mon flou est... flou !"
Jérémie Couston
Cinémathèque française, salle du Palais de Chaillot:
7, av. Albert-de-Mun, 16°, 01-56-26-01-01
© Télérama Sortir - Déc 2003 - DR
_________________